jueves, 16 de enero de 2014

ÉVEILLER NOTRE CONSCIENCE ÉCOLOGIQUE À TRAVERS LA LITTERATURE: INTRODUCTION À L’ÉCOCRITIQUE


Les études de la littérature et de l'environnement ont abouti, au début des années 1990, à la création d'une nouvelle école critique littéraire : l’écocritique. Née au sein des universités de l’Ouest des États-Unis, elle s’est rapidement répandue dans le monde académique anglo-saxon. Aujourd’hui, l'association fondatrice de l'ecocritique, l'Association for the Study of Literature and Environment (ASLE) réunit plus de 1300 membres et elle a créé des branches internationales en Australie, au Canada, en Corée, en Europe, en Inde, au Japon et en Nouvelle-Zelande. L’écocritique adopte une approche centrée sur la Terre aux études littéraires. Il s’agit d’une façon de relire les textes littéraires d’un point de vue particulier, celui de l’environnement, et ainsi d’en bousculer la réception convenue. L'environnement et la vision de la nature deviennent des éléments nouveaux pour l'analyse de textes. Elle se présente aussi comme un nouveau domaine disciplinaire qui abandonne cette division traditionnelle entre les sciences et les lettres, car on estime fondamental de joindre à la vision de la nature littéraire, une vision scientifique et écologique. Cette idée de connexion s’applique également aux différentes disciplines de la connaissance que l’écocritique tente d’associer, cherchant des terrains d’entente qui permettront de comprendre ces paradigmes erronés sur lesquels se fondaient les mythes du progrès et du développement. Un vaste domaine interdisciplinaire s'ouvre ainsi devant nous, la relation des études littéraires et discours écologique par rapport à d'autres disciplines connexes telles que l'anthropologie, la philosophie, la sociologie, la psychologie et l'éthique.

De nos jours, la reconnaissance des activités humaines - qui endommagent gravement les systèmes de récupération primaires de la  planète- encourage un désir sincère de contribuer à la récupération environnementale. La littérature constitue un formidable défi sur l’imaginaire par rapport à tout ce qui concerne la nature. Toute œuvre de fiction, de n’importe quel genre, est construite dans un cadre naturel ou civilisé, où les hommes cohabitent. L’écocritique permet de recueillir, d'analyser et de comprendre les différentes modalités d'interaction des hommes avec leur habitat. Ses caractéristiques principales sont donc l'utilisation de concepts de l'écologie appliqués aux compositions littéraires et le compromis de créer une conscience écologique à travers la littérature. L’écocritique cherche à nous approcher de la terre et nous enseigne comment améliorer notre relation avec l'environnement.

Le lecteur écocritique se pose alors des questions sur le rôle que l'environnement joue dans une œuvre littéraire ; il examine si les valeurs exprimées dans un récit sont compatibles avec la sagesse écologique ; ou si les métaphores que nous utilisons pour designer notre environnement influencent la façon dont nous traitons la nature. L’environnement, la vision de la nature et le lieu, ne devraient-ils pas devenir une nouvelle catégorie d’analyse de la littérature, tout comme l’ont fait à une époque la race, la classe et le genre ? On étudie, par exemple, comment la crise environnementale a commencé à être considérée dans la littérature, et comment les œuvres littéraires et le langage influencent la façon dont nous parlons à/de l'environnement.

Selon Cheryll Glotfelty, les étapes que l’écocritique a suivi (et suivra) sont très similaires à celles rapportées par Elaine Showalter dans l'évolution du féminisme. Au début, on recherche des images de la nature dans la littérature classique, l'identification des stéréotypes (Eden, Arcadie, Paradis, etc.) ou des absences importantes ; dans un deuxième temps on récupère la tradition marginalisée de textes écrits à partir de la nature; enfin, il s'ensuit une phase théorique, préoccupée par les constructions littéraires d'êtres humains en fonction de leur environnement naturel, d'où l'intérêt poétique liée à des mouvements comme l'écologie et l'écoféminisme.

Si le monde anglo-saxon a connu un véritable essor des essais éco-critique (cf. bibliographie), les pays francophones ne font que débuter dans ce vaste domaine. Même si l’écriture de la nature en Europe n’est pas ancrée dans une tradition aussi profonde qu’en Etats-Unis, elle n’en est pas moins riche ou intéressante. Dans la Suisse francophone, il y a beaucoup d'écrivains dont les œuvres pourraient être analysées d'un point de vue écocritique. Nous pensons notamment à Edouard Rod, qui dénonce la dégradation du paysage alpin dans son œuvre « Là-haut » ; à C.F. Ramuz et sa vision d’une nature en colère contre la cupidité humaine  (« Derborence », « La grande peur dans la montagne » ou « Si le soleil ne revenait pas ») ; à Maurice Chappaz et son combat écologique (« Le Maquéreux des cimes Blanches ») ; ou à la omniprésence de la forêt chez Corinna Bille, pour ne nommer que quelques exemples.

L’ecocritique fait son chemin lentement dans le milieu académique de l'université européenne. Les avantages que présente cette nouvelle théorie dans l'enseignement de la littérature sont certainement nombreux: elle donne une nouvelle vision des textes étudiés; elle contribue à sa manière à la guérison du respect pour la nature ; elle rétablit ce lien entre la terre et ses habitants et, surtout, elle contribue à créer une relation plus étroite avec notre planète.

 
Bibliographie conseillée

 

C. Glotfelty et H. Fromm (dir.), The ecocriticism reader, Univ. Of Georgia Press. Athenes & Londres, 1996.

Glen A. Love, Practical Ecocriticism: Literature, Biology, and the Environment. Under the Sign of Nature: Explorations in Ecocriticism, University of Virginia Press, 2003.

G. Garrad, Ecocriticism, Routledge. Londres, 2004.

J. Bate, The Song of the Earth, Picador, London, 2000.

K. Armbruster et K. Wallace, Beyond Nature Writing: Expanding the Boundaries of Ecocriticism, University of Virginia Press, 2001.

L. Buell, The environmental imagination. Thoreau, nature writing, and the formation of americain culture, Harvard Univ. Press, Cambridge, 1995.

L. Coupe, The Green Studies Reader: From Romanticism to Ecocriticism, Routledge. Londres, 2000.
 
 
Article paru dans le Journal romand d'ecologie politique  "Moins" nº 8 Novembre-Décembre 2013. Vevey- Suisse.

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