sábado, 26 de diciembre de 2020

JOSEPH PEYRÉ, PIONNIER DU ROMAN D’ALPINISME

 

Quelle force n’a-t-il pas fallu pour rompre et pour balayer tout ce qui manque à cette pyramide ! Car on ne voit autour d’elle aucun entassement de fragments ; on n’y voit que d’autres cimes qui sont elles-mêmes adhérentes au sol et dont les flancs, également déchirés, indiquent d’immenses débris, dont on ne voit aucune trace dans le voisinage. Sans doute ce sont ces débris qui, sous la forme de cailloux, de blocs et de sable, remplissent nos vallées et nos bassins, où ils sont descendus, les uns par le Valais, les autres par la vallée d’Aoste, du côté de la Lombardie.
(De Saussure « Voyage dans les Alpes »).[1]

 

Cent cinquante-quatre ans ont passé depuis la première ascension au Cervin par la cordée formée par Edward Whymper (1840-1911) et de la tragédie qui en a résulté. L'alpinisme a beaucoup changé depuis et le caractère original inexploré et peut-être inaccessible des Alpes et de presque toutes les montagnes du monde a également été perdu. Mais la silhouette du Cervin est toujours là, éclatante et belle, en tant que référence géographique, esthétique et alpiniste, focalisant de façon magique le regard des excursionnistes et attirant les alpinistes qui souhaitent le conquérir, en tant que paysage et en tant que défi. Si les Alpes sont le canon des montagnes, le Cervin est le modèle de la montagne élancée, du pic pointu, de la beauté pyramidale de la nature, de la dent de la terre. Sanctuaire de la montagne et de l'alpinisme. Si le Cervin n'existait pas, la Terre ne serait pas si magnifique, si grande, si exigeante et inaccessible, même si raffinée. C’est la montagne des montagnes, la plus photographiée au monde. Le mythe et l’emblème des alpinistes comme des photographes. L’image de marque et le symbole de la Suisse.

A l'instar du Cervin, l'œuvre de Joseph Peyré, Matterhorn, n'a rien perdu de son intérêt et reste aussi moderne qu'il y a presque un siècle. Elle continue à nous faire rêver dès sa première page:

Rumeur d’abeilles dans les mélèzes, le bourdonnement des prières étourdissait la rue sombre de Zermatt. La procession allait quitter le reposoir dressé entre le musée des victimes du Matterhorn et le ‘‘Mont-Cervin’’ pavoisé aux couleurs rouge et blanc, vert et noir, rouge et noir des cantons, et poursuivre sa lente route[2].

 

Mais d’où vient cet intérêt de Joseph Peyré pour les Alpes ? Quelle est l’origine de cette admiration pour cette chaîne de montagnes et surtout pour l’alpinisme, - un sport qu’il n’a, d’ailleurs, jamais pratiqué ? [3]. Passionné d’escalade et d’alpinisme et admirateur des pionniers des sommets, Joseph Peyré nourrit depuis l’enfance une passion viscérale pour la haute montagne. En fait, la montagne a toujours fait partie de la vie de l’auteur. Les Pyrénées ont toujours été présents dans l’horizon de Joseph Peyré, mais en s’approchant des Alpes, ce passionné des altitudes, va apporter sa petite graine à un nouveau genre de roman : le roman de montagne[4]. La conquête des sommets et l’esprit qui y règne lui fournissent un sujet à sa mesure : les Alpes deviennent le théâtre où l'homme se magnifie et se grandit[5]. Inspiré donc par le pic du Midi d’Ossau, son « Cervin » pyrénéen, le Béarnais se transporte dans les Alpes d’où il revient avec Matterhorn en 1939. Mais, retournons à la source…

[...]

Joseph Peyré, humaniste universel. Dolores Thion Soriano-Mollá (éds). Capítulo: “Joseph Peyré, pionnier du roman d’alpinisme”. Ed. L’Harmattan, Classiques pour demain, pp. 77-88, 2020.



[1] De Saussure, H.B. Voyage dans les Alpes. Des Voyages en Valais, au Mont Cervin et autour du Mont-Rose. Seconde édition augmentée. Paris: Joël Cherbuliez, 1852, p. 363.

[2] Peyré, Joseph. Matterhorn. Paris: Grasset, Les Cahiers Rouges, 1939, p. 15.

[3] Michel Ballerini, compare le cas d’Henri Troyat avec celui de Joseph Peyré : « l’un et l’autre n’ont jamais pratiqué l’alpinisme, mais l’un et l’autre ont écrit des œuvres qui comptent parmi les meilleures de la littérature alpine romanesque. » (Le Roman de montagne en France, 1973)

[4] Si les débuts de la littérature de montagne ou d’alpinisme ne sont pas tout à fait clairs, selon Michel Ballerini, le début de la littérature himalayiste se produit avec la parution de Mont Everest de Joseph Peyré en 1942 (Gilles Mossière).

[5] Même Roger Frison-Roche, un vrai montagnard, lui, auteur de best-sellers sur le sujet, disait avoir trouvé en lui un maître et un inspirateur.

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