viernes, 24 de septiembre de 2021

UN REGARD BIOPHILIQUE SUR L’ŒUVRE DE C.F. RAMUZ

 


La biophilie est un terme repris par le biologiste E. O. Wilson dans son ouvrage Biophilia, qui se traduit littéralement par l’« amour de la nature ».
Cette théorie se base sur le principe que chaque être humain éprouve le besoin inné d’être en relation avec la nature. Wilson soutient que la tendance des êtres humains à exalter la nature et à rechercher un contact intime avec elle est l'expression d'un besoin biologique qui fait partie intégrante de notre personnalité en tant qu'êtres humains. En d'autres termes, une partie de notre patrimoine génétique contient des éléments qui produisent en nous le besoin inexorable de nous associer, de nous mettre en relation, d'être en contact avec la nature et les autres êtres vivants. La « biophilie » serait donc cette capacité que nous avons tous à nous émerveiller de la vie qui nous entoure.

La nature fait partie de nous, tout comme nous faisons partie de la nature. C'est pourquoi la communauté littéraire est appelée à être un peu poète, à pouvoir expliquer correctement la beauté et le sens de la nature, des arbres, des montagnes, des rivières.... Ce que Ramuz a toujours fait ! Ramuz s’est toujours senti étroitement attaché à certains éléments biophysiques de son pays, parmi lesquels se trouvent les montagnes, le lac Léman, le Rhône et la forêt (symbolisée par l'arbre). Tous ces éléments, qui font partie des manifestations de la biophilie, seront étudiées à continuation, pour montrer que Ramuz était un précurseur de l’écologie, soucieux de la conservation et de la préservation de la nature de son pays. Puis, on montrera que les descriptions de ses paysages majestueux symbolisent pour cet auteur plus qu'un simple décor pour mettre en scène le destin de ses personnages. Non seulement l'homme, avec toutes ses peines, représentait pour lui le centre de tout, mais la nature jouait également un rôle très important. Ramuz essaie de transmettre un message très précis : la nature est une entité vivante, qui souffre, qui a des sentiments et que nous devons respecter.


Je venais d’un pays

Où la nature impose seule

Ses monuments aux regards.

Et ils sont grands

Tellement grands.

 

1. La montagne de C.F. Ramuz

La vie et l'œuvre de C.F. Ramuz ont toujours été irrémédiablement liées à la nature depuis son plus jeune âge. Ce processus aurait marqué des sentiments et des émotions positives liés au paysage, à la vie naturelle et à l'expérimentation de celle-ci. Comme Wilson affirme « L'échange homme-nature a un impact sur l'intelligence, les émotions, la créativité, le sens esthétique, l'expression verbale et la curiosité » (E.O. Wilson). Il est évident que Ramuz est un bel exemple de ceci. Cependant, lorsque Ramuz a dû écrire pour la première fois sur les Alpes, il a été confronté à une forte tradition littéraire « romande » qui remontait à Eugène Rambert[1]. Les Alpes se présentaient comme un symbole de la liberté et de la grandeur morale. Elles avaient été imprégnées d'un idéalisme abstrait et d'un lyrisme patriotique. Ramuz sera toujours contre tous ces sentiments patriotiques, contre cet helvétisme démesuré, contre cette Suisse idéale décrite par Rambert :

C’est cette dernière que nous représentent les Alpes dans leur majestueuse et sublime sérénité. Elles en sont l’image visible à tous les yeux. Les Alpes, c’est la patrie, mais la patrie dans ce qu’elle a d’éternel et d’inaltérable, la patrie avec sa fierté native, sa glorieuse indépendance et ses nobles traditions de vaillance et de pureté[2].

 

Ramuz ne s'approche pas de la montagne « comme on entre dans un temple, le front découvert, et s’effrayant à l’idée d’en trouver le silence religieux »[3]  ; ce n'est ni un alpiniste expert ni un passionné par ce que nous connaissons comme la haute montagne. Dans les premières pages du magazine Essais, Ramuz souligne à quel point la littérature est restée jusqu'à là étrangère à la montagne :

Non qu’on ne l’ait suffisamment décrite ou célébrée, mais ceux qui la vantent viennent de bien loin, ils la voient du dehors, ils la saluent à distance : il faudrait l’éteindre et la pénétrer ; je voudrais que la pensée, les mots et la langue même se pliassent à ses enseignements profonds. Elle réclame un amour fait des nerfs et de sang ; on n’irait point à elle pour la peindre et la « chanter » et s’en tenir là ; on irait à elle pour elle-même, avec un cœur docile. […] Elle touche plus à l’esprit qu’aux sens ; c’est par là qu’elle est admirable[4].

 

Grâce à Chateaubriand et à son ouvrage Voyage au Mont-Blanc (1806), il trouve un allié qui décrit la montagne d'une manière différente de celle des poètes comme Rousseau. Chateaubriand la considère à travers les yeux du paysan qui souffre de la nature qui l'entoure. En mettant ainsi en valeur l'élément dramatique de la montagne, il se libère du subjectivisme romantique de Rousseau. L'objectif de Chateaubriand n'était pas de créer une œuvre d'art à partir de réflexions tirées des Alpes, mais simplement de trouver la réalité qui se cachait derrière les descriptions des poètes. Son attitude, bien que négative, était basée sur un grand souci de trouver la vérité. Ramuz, ira encore plus loin, en se appuyant sur ces mêmes observations sobres et réalistes.

Dans La Grande peur dans la montagne, nous entendons pour la première fois la véritable voix de la montagne, celle qui n'a jamais voulu montrer la tradition scolaire mais qui est si bien connue des paysans qui la vivent et la contemplent chaque jour ; et ils l’appellent « celle du mois de neiges et des rochers : le mauvais pays, en quoi il veut dire qu'il ne produit rien- 'bon' voulant dire qui rapporte »[5].

Les accords imposés par une littérature pitoyable, inculquée par un enseignement en décalage avec la réalité, avaient sculpté une image pleine de clichés, comme celle des Alpes en fleur ou des grands glaciers. « Tout mon effort », écrit Ramuz en essayant d'expliquer la lutte qu'il a menée contre l'école, a été celui de « redécouvrir ma montagne sur sa montagne »[6]. La montagne de Ramuz est un lieu habité - mais seulement dans ces espaces que la montagne cède aux hommes. Elle représente les pâturages, les prairies où les troupeaux errent pendant l'été. La montagne commence là où se terminent les derniers arbres, au-delà de ces pins autochtones qui ont été un jour frappés par la foudre et qui, au lieu de branches, semblent avoir des moignons. Là, le bétail broute tranquillement l'herbe basse des pâturages ; les chèvres, les moutons cherchent les rares buissons au milieu des différents blocs de pierre. En 1925, Ramuz réalise le vœu qu'il avait fait le 15 septembre 1895 : « Il me tarde de voir les Alpes purgés de ces fantômes embarrassants, armés de piolets, accompagnés d’une bande de mises en jupes courtes et d’une caravane de guides »[7].

La montagne apparaît presque toujours dans ses œuvres comme une entité menaçante, arrogante, terrifiante et diabolique (« elle donnait – explique Georges Borgeaud – des frissons, elle faisait naître des fantômes sous les pas, elle logeait dans ses précipices des dieux et des légendes, tous les orages[8] ». Elle acquiert toujours ce rôle principal de protagoniste dans ses histoires, car c'est elle qui détermine le drame du récit, en y participant intensément. La montagne de Ramuz n'apparaît donc pas comme une décoration simple et statique pour les sept bergers qui montent dans La Grande peur dans la montagne à Sasseneire pour profiter de « cette herbe de là-haut qui s’en va pour rien, devient verte, pousse, mûrit, sèche… cette herbe qui se perd depuis vingt ans »[9] ; ce n'est pas non plus le cas dans l'histoire de Derborence : le berger Antoine Pont, qui échappe miraculeusement à une terrible avalanche de pierres, réapparaît après avoir été enterré pendant sept semaines sous les blocs, et disparaît à nouveau – « et voilà qu’il retourne aux pierres comme s’il ne pouvait plus s’en passer »- poussé soit par un profond sentiment d'amitié - il croit que son ami Séraphin est toujours vivant sous les blocs de pierre - soit par la mystérieuse et irrésistible attraction que la montagne exerce sur lui. A une autre époque, la montagne était considérée comme un « lieu maudit de l’écrasement, mais aussi celui du refuge, par l’exil des hommes…, avant d’être celui des retrouvailles finales, dans la solitude élevée du pierrier, de Thérèse et Antoine »[10].

Dans les hauts plateaux, Ramuz nous fait également découvrir un monde nouveau, inattendu et surprenant au cœur de la montagne. Sur ces hauteurs protégées, on peut observer les misérables constructions en bois qui composent les villages. La vie se concentre dans ces endroits protégés des forts vents d'automne, ou s'agrippe sur les pentes qui ne peuvent être atteintes par les avalanches. La place accordée à l'homme est précisément désignée, entre les champs qui produisent le seigle et ceux qui nourrissent les troupeaux de vaches grasses. Un refuge sur mesure, où leur existence n'aura qu'un seul horizon. Ainsi, dans cet espace réduit, tous les besoins des êtres humains seront satisfaits.

Ramuz veut nous montrer une civilisation primitive, où l'on peut apprécier les échanges les plus variés entre la terre et l'homme, entre le bois et la pierre, entre le travail manuel et la pensée. Il semble que la montagne elle-même dise à l'homme :

Dépêche-toi ! Mes printemps sont fugaces mes étés flambent comme des torches et j’attribue à l’hiver la grande part de l’automne. Pendant six mois, je t’emprisonne dans des neiges stériles. Accumule le peu de nourritures que je t’accorde et que je te demande, au surplus, d’arracher de mon sein par la violence. Monte, descend sur la côte, la nuque chargée de fardeaux. Porte mon foin, porte mon bois. Va, sans repos, de la rivière à l’alpage, et si tu veux boire un peu de vin, cultive, tout là-bas, au bord, au bord du fleuve, quelques parcelles où mûrissent les grappes. Ta vie s’usera sur les chemins. Je n’ai pour toi ni fruits ni richesses. Seulement cette miche de pain noir et ses sacs de pommes de terre. Ainsi, de ton enfance à la mort. Et si tu cèdes, et si tu te décourages, il ne te reste plus qu’à mourir car les tiens sont trop pauvres pour t’entretenir.[11]

 

Charles Ferdinand Ramuz prouve qu'il connaît aussi parfaitement la montagne, à en juger par ce qu'il dit à travers l'un de ses personnages, Martin Métrailler : « On te connaît dans tes petits détails, ô montagne, tu es comme une femme avec qui on a longtemps couché ; il n’y a pas une tâche, pas le moindre défaut, pas le grain de beauté sur ta peau qu’on n’ait du moins touché une fois des doigts et des lèvres »[12].

Il la présente parfois comme une héroïne extraordinairement vivante, qui pense – « elle a ses idées à elle, elle a ses volontés »[13] ; d'autres fois comme un être vivant, respirant lourdement et intensément, - c’est ce qui ressent les trois personnages de Zamperon qui se penchent sur le précipice pour voir ce qui s'est passé après l'effondrement – « [ils] s’étaient couchés à plat ventre ». Puis la montagne grogne « et ça grondait sourdement sous eux pendant ce temps ; et, comme ils avaient le ventre appliqué contre la montagne, ils entendaient avec le ventre les bruits de la montagne qui montaient à travers leurs corps jusqu’à leur entendement »[14], et à la fin, elle émet un long et profond soupir ; elle est parfois méfiante- « il y a des places qu’elle se réserve…, des places où elle ne permet pas qu’on aille »[15] ; et pourquoi pas, même frivole et narcissique – « quand elle met sur elle ce beau vêtement d’air transparent pour n’être plus cachée, elle montre toute la courbe nous disant : ‘Venez voir’ »[16]. Il est évident que, pour Ramuz, la montagne est un symbole féminin. On le voit bien dans les comparaisons entre montagne et femme qu'il fait dans Si le soleil ne revenait pas, bien qu'on puisse aussi les voir dans d'autres textes :

Mais la montagne surtout est belle. Par-dessus la vallée profonde, où l’ombre demeure amoncelée, on la voit de tout part se lever dans l’air très pur. Et, se débarrassant d’une dernière brume comme on rejette loin de soi un triste vêtement, elle se rejoint d’être ainsi offerte aux regards, toute vêtue de velours et de soie, avec des grands plis nuancés, des cassures à reflets, des ornements d’or et d’argent.[17]

 

Il y en a une, de ces montagnes, qui est comme une femme, qui ôte son caraco gris… Il y en a qui sont étendues toutes nues, montrant leur grand corps avec sa belle couleur ou seulement leur poitrine avec ses pointes un peu plus roses.[18]

 

La montagne a sa propre voix- « elle même a une voix »[19]. Nous ne sommes donc pas surpris lorsque Plan se tourne vers elle et l'interroge en disant : « Toi, tu fais en te laissant faire. Mais celui qui te pousse, tu le connais bien, hein ? D…I…A…B… ». La montagne, à son tour, non seulement répond, mais « elle se met à rire »[20], montrant ainsi son indifférence et son cynisme - deux sentiments très fréquents chez l'être humain - face à la mort qu'elle vient de semer autour d'elle « en plein milieu d’un grand désert de pierres »[21]. Il ne s'agit pas d'un épisode isolé dans le récit de ramuzien, puisque « Joseph semble entendre toute la montagne se mettre à rire »[22] et Barthélemy lui-même ressent aussi la sensation que le glacier tousse avec « cette toux de plus en plus forte et profonde comme quand on a de l’asthme »[23]. Bien que ce ne soit pas la première fois, nous l'avions déjà entendue tousser dans La Séparation des races :

On voit tellement bien là-haut comment c’est, quand tout rompt, tout glisse en avant, se détache, s’égoutte, tombe, en même temps qu’on entend par moments comme quand on tonne, on entend comme si la montagne toussait… »[24]

La montagne apparaît infiniment grande et puissante, et donne à l'homme l'impression d'être minuscule au plus haut point. Par conséquent, en se référant aux cinq hommes qui ont été vus dans le col, il est normal que nous lisions :

Ils ont été longtemps cinq points, cinq tout petits points noirs dans le blanc… Et à côté d’eux, ils furent de plus en plus petits, là-haut, sous les parois de plus en plus hautes… Nous, on est trop petit pour que le ciel puisse s’occuper de nous, pour qu’il puisse seulement se douter qu’on est là, quand il regarde de haut de ses montagnes.[25]

 

Tout aussi importante est l'impression de petitesse et d'incertitude que ressent Joseph lorsque, en arrivant devant un immense glacier qui semble lui barrer la route, il a l'impression « d'être arrivé au bout de la vie, au bout du monde, au bout du monde et de la vie»[26]. Une montagne qui soumet les hommes, les dominant de ses proportions colossales. Le glacier semble avancer vers Joseph et venir à sa rencontre : « Il parut venir à notre rencontre avec une couleur méchante, une vilaine couleur pâle et verte ; et Joseph n’avait plus osé regarder, il s’était mis à marcher plus vite encore en baissant la tête »[27]. Cette soumission est particulièrement visible lorsque la montagne se tait et les hommes sentent soudain « grandir autour d’eux une chose tout à fait inhumaine à la longue insupportable : le silence. Le silence de la haute montagne, le silence de ce désert d’hommes, où l’homme n’apparait que temporairement… ; où c’est comme si aucune chose n’existait plus nulle part…, où il y a une cessation totale de l’être »[28] ; où « tout est vide, tout est désert, en même temps qu’il fait froid et il fait un grand silence »[29] ; où souvent « on a beau prêter l’oreille, on entend seulement qu’on n’entend rien »[30] ; où « on a beau à écouter, on n’entend rien du tout : c’est comme un commencement du monde avant les hommes ou bien comme à la fin du monde, après que les hommes auront été retirés de dessus la terre – plus rien ne bouge nulle part, les choses qui ne sentent pas, les choses qui ne pensent pas, les choses qui ne parlent pas »[31]. Et cela provoque aussi une profonde et incurable « angoisse [qui] se loge dans votre poitrine où il y a comme une main qui se referme autour du cœur »[32].

Elle ne sera jamais docile, elle ne se laissera jamais dominer par l'homme. Car au moment le moins inattendu, elle ouvre le piège d'un glacier et c'est comme si une main attrapait les hommes par derrière et les tirait par les pieds. Ramuz semble nous avertir de laisser la montagne seule sur son territoire. Chacun à sa place, dans un ordre et un équilibre établi. Mais il déplore également que les hommes soient trop arrogants et qu'ils aient perdu le respect pour tout. Ils s'approchent du sommet de la montagne et, avec une grande avidité, crachent dans leurs mains, nerveux face à ce qu'ils obtiendront en retour. Et le monde semble se briser. S’il était lisse, maintenant il est plein de fissures. Si l'on croyait qu'il dormait, maintenant il menace de se réveiller...

Ramuz met en valeur la beauté de la nature qui l'entoure, et la montre telle qu'elle est, sauvage et indomptée. Il utilise une approche écocentrique pour montrer une réalité dans laquelle il n'existe aucune ligne de démarcation entre le vivant et l'inanimé, en l'occurrence la montagne. C'est pourquoi il lui donne une voix et une identité, il la considère comme un égal : un être vivant, féminin et de fort caractère, qui ne se laisse pas dominer par l'homme. Pour les anciens du lieu, la montagne est une personne. Pour Ramuz aussi : il a chanté son geste comme aucun autre poète ne l'avait fait auparavant, avec l'importance nécessaire, avec un style rude approprié. C'est à elle qu'il dédiera ses plus belles pensées d'écrivain, lui seul saura décrire ce lieu plein de mystère et de peur, derrière lequel se cache tant de force et de beauté. L'Autre apparaît ici représenté par la montagne. L'homme et son discours n'ont rien à faire face à sa force indomptable. Ramuz est un défenseur de l'Autre. En montrant la montagne telle qu'elle était avant, il dénonce ce que l'homme fait en exploitant la nature et montre ainsi son côté plus écologique.

 

2. Le lac Léman et le Rhône

En mars 1902, Ramuz écrit dans son Journal :

Je comprends mal un paysage sans eau ; un ruisseau, d’ailleurs, me suffit. Mais l’immensité des terres, sans une source, sans une fontaine, sans une mare où le ciel vient se mirer, de tels sites, malgré le charme de leurs lignes ou la grandeur de leurs contours, me semblent vite une prison. […]

Nous autres, nous avons le lac. Il est vaste ; il a l’air d’une perle au fond de sa coquille. Les montagnes et les collines qui le bordent s’élèvent de toute part avec fougue ou avec mollesse, et, sans jamais l’enserrer étroitement, le retiennent néanmoins prisonnier. Mais sa captivité est trop ancienne pour qu’il se souvienne encore temps où il errait sous la figure du glacier ; maintenant il ne conçoit rien d’autre que son immobilité, il joue comme un enfant entre ses rives définitives ; il est heureux de son cachot. La troupe de ses vagues lui donne l’illusion du changement ; il modèle à son image les visages qui se penchent sur lui ; il se sent si bien vivre que sa vie débordante se mêle autour de lui à la vie des hommes.

Nous qui habitons sur les rives du lac, nous savons qu’il est cause de beaucoup de nos joies. Nous souffririons de vivre dans l’obscurité ; il y a trop de brouillard sur nos collines ; le soleil est trop faible pour percer ces nuages traînants ; mais qu’un de ses rayons glisse à la surface du lac, aussitôt, multiplié, le voici reflété par les milles facettes des vagues, répandu en paillettes voletantes jusqu’au sommets.[33]

 

L'eau est un objet de vénération dans l'œuvre de C.F. Ramuz, sous toutes ses formes : rivière, fontaine, cascade, glacier, lac ou pluie. Les champs, les cultures, les troupeaux et l'homme lui-même en dépendent. C'est pourquoi les paysans « sont attachés à l’eau comme à la vie. Où qu’elle jaillisse, il faut qu’ils aillent la chercher. Et, bien des fois déjà, ils ne sont pas tous revenus »[34]. Sans eau, l'homme ne pouvait pas étancher sa soif ni se débarrasser de ses impuretés extérieures. Nous le voyons directement dans le roman Derborence, à travers l'expérience de l'un de ses protagonistes, Antoine Pont. Voici quelques-unes des conséquences physiques du manque d'eau pendant les premiers jours de sa captivité sous les rochers : « je n’avais rien à boire… J’avais la bouche qui commençait à se racornir, j’avais les lèvres toutes gercées, ma langue était comme un morceau de cuir et avait trop de place dans mon palais qui s’était retiré »[35]. A travers le témoignage qu'Antoine livre à la cantine, Ramuz nous montre combien cet élément est important pour la vie humaine et combien il est peu mis en valeur lorsqu'il est à portée de main. On ne s'en rend compte que dans des situations extrêmes :

Si je pouvais avoir un ustensile pour uriner ; vous vous souvenez ce qu’on raconte des voyageurs perdus dans les déserts et qui ne duraient qu’en se rebuvant… Ah ! vous avez du bonheur, vous autres, sous le ciel avec […] leurs fontaines, leurs belles fontaines ! les sources de dessus la terre, rien qu’une toute petite perle d’eau de temps en temps qui suinte au bout d’un brin de mousse ! ...[36]

 

La fonte du glacier le sauve d'une mort certaine, l'eau est vivante et lui donne une chance de vivre : « je la sentais bouger vivante entre mes mains, quand je les levais verticalement et elle vivait là, et moi j’allais vivre par elle »[37]. Antoine utilise également cette eau pour retrouver son apparence en se lavant après son arrivée au village : « la cuisine était encore pleine des vapeurs de l’eau chaude et de l’odeur du savon. Il s’était lavé »[38].

Cet élément est omniprésent dans son œuvre, qu'il s'agisse d'une simple goutte « c’est une goutte d’eau qui tombe […] la goutte tombe en retentissant »[39], d'une pluie torrentielle provoquée par un orage « l’orage […] eût crevé maintenant en une grosse averse qui tapait sur le toit comme les pieds des danseurs sur les plancher du pont de danse »[40] ; d’une petite source qui « coule au bord du chemin »[41], d’un torrent « à la belle eau qui est comme de l’air au-dessus des pierres de son lit, tellement elle est transparente »[42], d’une fontaine de village « tellement barbue de mousse, […] que c’est à peine si de loin on la distingue encore du talus couvert d’herbe auquel elle est adossée, ayant en guise de tuyau un simple chéneau de bois qui est tout fendu, de sorte que la moitié de l’eau se perd avant d’arriver au bassin »[43], d’un lac « on vit deux petits lacs mornes luire encore un peu, puis cesser de luire, posés à plat dans le désordre comme des toitures de zinc »[44] ou même d'un puissant et immense glacier « l’arrête où il y a le glacier… les Diablerets… »[45]. Mais c'est sans doute dans le Rhône que son influence est la plus prépondérante :

Il était marqué là comme une route sur une carte, c’est-à-dire son lit, singulièrement tortueux capricieux avec ses marges de limon gris ; tandis que lui-même courait au milieu et on le voyait bouger au milieu, étant d’un gris plus clair et presque blanc, rampant sur le ventre comme la vipère. [46]

 

Le Rhône joue un rôle très important dans l'imaginaire de Ramuz. Il est toujours lié au Valais qu'il a lui-même créé et façonné dans toute sa longueur et sa largeur, du sommet de la montagne à sa descente dans la vallée. La source du Rhône - un torrent sauvage habité par une force violente et élémentaire - est comparée par Ramuz à un petit enfant, qui ne commence à prendre vie que lorsqu'il se sent protégé dans son véritable berceau, représenté dans ce cas par le lac Léman :

Les fleuves tombent d’abord à pic, suspendant au-dessus du vide les plis superposés de leur chute arrêtée, et c’est tout au bas d’eux-mêmes, dans un creux, un repli, dans un nid, en effet dans un véritable berceau, dans des drapas soigneusement passés au bleu, sous des rideaux de tulle transparent, qu’ils prennent vie.[47]

 Et c'est cette force impétueuse qui, après avoir créé le Valais, forme le bassin lémanique, la « petite méditerranée », qui devient à son tour le berceau du pays de Vaud. Et le lac, ce grand conteneur, accueille à son tour tous ceux qui viennent le regarder pour se reconnaître : « Miroir de la vie et du ciel, un grand miroir est là, où je me mire »[48]. Et le ciel immense, « qui se creuse au-dessus de vous », obéissant à l'inversion ramuzienne « se creuse aussi au-dessous de vous »[49].

Ce bassin, aux connotations si maternelles, matrice du pays, s'ouvre à d'autres horizons : « Il semble qu’on voit l’autre côté de la terre et on va à travers la terre jusqu’au ciel qui est de l’autre côté »[50]. Le fleuve coule éternellement, et il n'a aucune relation stable avec le temps ou l'espace. Il se déroule de manière linéaire, tout comme l’histoire ; au fil du temps, il coexiste avec différentes civilisations ou traverse différents paysages, et peut ainsi caractériser la vie de différents peuples. Après avoir donné naissance au Valais et au bassin lémanique, le Rhône poursuit son voyage vers le sud et, reprenant son élan, crée des paysages et des villes semblables à ceux-ci. Grâce au Rhône, le pays du Valais et du Vaud forment une unité géographique, historique, linguistique et spirituelle avec la Savoie et la Méditerranée. Sa présence est donc immémoriale : « parce depuis toujours il est là, et immémorialement il marmonne là, élevant la voix quand la nuit vient, la laissant tomber et faiblir à mesure que le jour grandi »[51]. Contrairement aux vies humaines, le fleuve est infini, et il s'inscrit donc dans un temps cyclique. Il n'est pas seulement présent, mais aussi passé et futur : « La aussi ça dure, là non plus rien ne change ; ah ! on le connaît bien, ce Rhône, on ne le connait que trop ! Depuis le temps, […] depuis le temps qu’il vous raconte sa vieille histoire, toujours la même »[52]. L'eau qui le compose ne tombe pas seulement d'en haut, mais remonte aussi des profondeurs de la terre, donnant ainsi au fleuve son caractère cyclique.

Il ne faut pas oublier que le fleuve est essentiellement de l'eau - l'élément primordial de la vie. Les traditions cosmogoniques de la plupart des cultures associent les eaux des grands fleuves aux premières causes de la création. L'eau possède le pouvoir d'engendrer, de nourrir, d'imposer sa loi et son ordre au paysage environnant, elle devient un créateur tout-puissant. Pour Ramuz, le lac Léman n'est plus un miroir passif, il crée aussi le pays à son image et à sa ressemblance :

Je vois l’eau, je trouve de l’eau, je trouve le Rhône et le lac ; je vois les espaces du lac être père de tout le reste, puis que ce lac est né d’ailleurs et que ce lac se porte ailleurs, que ce lac est un fleuve, que ce lac est un cours.[53]

 L'eau sert également de repère pour reconnaître le chemin du retour : « C'est au bord du torrent qui a retrouvé son ancien lit. Ah ! il s’y reconnait. La même eau, la même quantité d’eau, sa même couleur, son même bondissement entre les mêmes pierres »[54]. Il est bien connu que suivre le cours d'une rivière ou d'un ruisseau mène toujours à une ville ou à un village. En présence du Rhône, Antoine se tourne vers lui comme s'il s'agissait d'un compagnon de route : « Il voit le Rhône, il dit : ‘C’est la montagne qui est tombée’. A qui est-ce qu’il parle ? Au Rhône. Car le Rhône est là et on le voit ». Et c'est grâce à son cours qu'il trouve ses repères : « c’est lui, alors je prends à gauche »[55]. Et il continue son chemin vers le village d'Aire.

Le Rhône, force créatrice par excellence, représente, comme nous venons de le voir, une totalité dans l'œuvre de Ramuz. Ses eaux laiteuses, son statut de berceau et de bassin, contenant le pays tout entier, lui confèrent un caractère maternel. Mais en tant qu'auteur de l'ordre et de la loi et du pouvoir créateur qui lui a été accordé, il symbolise aussi le père. Mais il est en même temps le fils puissant de la montagne dont il est originaire : « Là-bas, le Rhône naît du glacier : voilà d'abord son origine »[56] - et semble ne jamais pouvoir être séparé :

Et ici, brusquement, c’est comme si la haute montagne d’où le fleuve descend était elle-même descendue et venait tout entière à vous ; la grande montagne d’au-dessus des arbres et de l’herbe, là où il n’y a plus que la pierre, plus rien que la neige et que les glaces, là d’où il vient, mais elle vient avec lui […] C’est que le fleuve apporte avec lui la haute montagne.[57]

 

 

3. La forêt, l’arbre

 

L'arbre représente, au sens le plus large, « la vie du cosmos, sa densité, sa croissance, sa prolifération, sa génération et sa régénération. En tant que vie inépuisable, il équivaut à l'immortalité ; les fruits de nos activités sont également personnifiés dans ce frère arborescent »[58]. Dans sa jeunesse, Ramuz a éprouvé une énorme fascination et un grand intérêt pour cet élément naturel, comparant son évolution en tant qu'écrivain à la vie d'un arbre :

Je voudrais être pareil à un bel arbre, né d’une graine qui a éclaté dans les profondeurs du sol et là a insinué un petit bourgeon caché qui est sorti bien timidement dans les feuilles mortes et qui, s’enhardissant, s’est épanoui de soleil et de pluies tour à tour, puisant la vie à ses jeunes racines ; accru sans cesse poussant un tronc, arrondissant enfin une verdure pleine d’oiseaux et qui prend la forme du ciel. Alors, devenu vigoureux, capable de lutter, ami des vents légers et vainqueur des oranges, il porte un fruit qui tombe au temps de sa maturité.[59]

 

Ce souhait sera littéralement réalisé. Rien ne ressemblera plus fidèlement à un arbre, vu de sa naissance à sa plénitude, que la présentation, la constance et les manifestations toujours plus larges de son génie : la même authenticité ancrée dans la terre, la même soumission aux lois naturelles, la même patience dans l'élaboration du fruit. Pour Ramuz, toutes ses œuvres, des premières aux dernières, dans leur magnifique diversité, ont été nourries par la même sève, nées des mêmes racines profondes. C'est la source de l'unité essentielle et organique de l'ensemble de son œuvre.

Bien que la biophilie soit une tendance génétique, il est nécessaire de renforcer le contact avec la nature afin de perpétuer ce lien. Ce contact avec la nature, Ramuz le trouvera à Cheseaux. Lorsque Ramuz a commencé ses études à l'Université de Lausanne, sa famille s’était établie à la campagne. Ramuz profite de son temps libre et de ses week-ends pour découvrir et apprécier la nature qui entoure sa nouvelle maison « Mon repos ». C'est le début de « deux magnifiques années de cours à la campagne, dans tous les sens du terme »[60]. La forêt de Vernand-Dessous a été le premier lieu choisi par l'auteur.

Je n’avais, pour gagner la forêt, qu’à descendre le penchant des près jusqu’au ruisseau. Elle était là qui m’attendait, haute et étagée, pareille à une immense vague toujours sur le point de s’écrouler et qui ne s’écroulait jamais. […]

En ce temps-là, j’aimais ce que j’avais à côté de moi (c’est peut-être la sagesse). J’aimais l’arbre qui est enfoncé dans le sol et bouge pourtant, qui est mi-terrestre et mi-aérien, qui sans quitter sa place traduit fidèlement, par des gestes précis et savamment coordonnés, les sollicitations confuses de l’espace. J’aimais les rives du ruisseau tout enrichies par les bouquets blancs de la reine des bois, par les boutons d’or, les simples et les doubles ; élégamment pourvues d’arbustes d’un vert changeant, aux feuilles lisses et brillantes ou bien velues et mates.[61]

 

Ses personnages partagent également le même sentiment que lui. De son premier roman La vie et la mort de Jean-Daniel Crausaz, écrit en 1901, mais qu'il n'a pas publié de son vivant, Ramuz reprend l'image d'un jeune tilleul. Mademoiselle Séchée avait l'habitude de s'asseoir tous les après-midis à l'ombre de cet arbre et de boire son thé à cinq heures. Tout semble indiquer que Ramuz a utilisé ses souvenirs pour décrire les jeunes tilleuls plantés par son père sur le domaine de Cheseaux : « ce tilleul est admirable. Un tronc mince, lisse, droit, élevé supporte une maigre touffe de verdure pareille à un chou, des feuilles gentilles, simples, tremblantes, rare encore. […] le tilleul adolescent, paisible ami de la vieillesse (2006 : 415). Il semble même avoir une légère préférence pour eux. Jean-Daniel l'explique ainsi : “J’aime beaucoup votre tilleul, Mademoiselle […] Parce qu’il me ressemble, Mademoiselle. Nous sommes frères des arbres et ce que nous réclamons comme eux, c’est une bonne terre et du soleil. Mais ils sont plus sages que nous ; ils s’adaptent plus vite” (2006 : 434).

A Aimé Pache, peintre vaudois, son roman le plus autobiographique, Aimé ressent la même affinité pour les arbres et les plantes : « Et alors, plus profond en lui, entrait l'idée des plantes, l’idée de l’arbre avec ses fruits, l’idée qu’il était comme l’arbre et la plante, frère d’eux et frère de tout »[62].

Cependant, l’intérêt pour cet élément naturel, si présent dans ses premiers souvenirs, évoluera au fil des années : « Je n’aime plus beaucoup les forêts aujourd’hui ; mon goût va à la roche et à l’eau, à ce qu’il y a de plus solide, d’une part, et de plus stable dans le monde, à ce qu’il y a d’autre part de plus fluide et fuyant »[63], comme nous l'avons déjà constaté auparavant.

L'arbre, ainsi que la forêt, la montagne, la pierre et l’eau représentent pour Ramuz le cosmos dans sa totalité. Ce monde « non-humain », si important pour l'écrivain, est omniprésente dans son œuvre. Les arbres, les animaux, les pierres ne parlent pas, mais Ramuz parle pour eux, il les fait participer directement à ses histoires et il sait comme personne d’autre exprimer avec son langage poétique, l'importance que ces "AUTRES" ont pour l'équilibre vital de l'être humain. Ses personnages, qui vivent en contact intime avec ce monde « non humain », nous avertissent de la simplicité avec laquelle il est possible de vivre en harmonie avec la nature et des graves conséquences que l'homme peut subir s'il ne la respecte pas.

 

Conclusion

Il est étonnant de savoir que l'une des premières études menées sur la biophilie consistait à décrire l'habitat idéal que la plupart des gens choisiraient s'ils en avaient la possibilité. Nous sommes surpris d'apprendre que le lieu choisi par la plupart des gens serait une maison sur une hauteur, près d'une étendue d'eau (un lac, une rivière, une mer) et entourée d'un terrain plein d'arbres et de végétation. À quoi cette description nous fait-elle penser ? Une simple coïncidence ? Peut-être, mais cela nous rappelle inconsciemment les origines de notre espèce.

À partir de 1930, Ramuz bénéficie de conditions de vie similaires dans le village de Pully, près de Lausanne. C'est là qu'il a acheté La Muette, une maison entourée de vignobles, située sur une colline surplombant le lac Léman et ses montagnes :

C’est d’abord, du côté du sud, une pente modérée, autrefois planté en vignes […] Et puis il n’y a plus rien qu’une vaste surface plate qui mène le regard directement jusque chez les Savoyards […]

 

Dans le haut du chemin Davel, les promeneurs s’arrêtent net : c’est à cause de l’échappée. Les deux hauts murs de pierre qui le bordent forment ici comme une encoche, et, par cette encoche, ils regardent et considèrent longuement ce que j’aperçois moi-même, mais bien mieux qu’eux, étant plus haut. Les grandes montagnes…[64]

 

Dans cette belle maison vigneronne, il continue à écrire des œuvres importantes telles que Farinet (1932), Derborence (1934), Le garçon savoyard (1936), Si le soleil ne revenait pas (1937), dans lesquelles il explique la beauté et le sens de toute la nature qui l'entoure. Ramuz a toujours été sensible à l'idée de la perte fondamentale que l'homme subit lorsqu'il s'éloigne du contact avec l'élémentaire, c'est-à-dire les valeurs primordiales de l'existence. Cette perte de contact avec l'essentiel conduit l'homme à un état d'indifférence vis-à-vis de la vie et de la société dans laquelle il évolue : « Leurs machines les rassurent. Est-ce n’importe quoi à qui ils puissent ressembler sur cette page où on lit : ‘Famine en Chine’ quand ils ouvrent leur illustré, vers les dix heures du soir, après un bon diner ? »[65] Dans une vie de plus en plus envahie par des objets artificiels et mécaniques, l'homme se sent désorienté et dépassé par ces nouveaux moyens de production. Les relations avec son environnement deviennent fausses, gratuites, et ne sont pas le résultat de besoins fondamentaux. Submergé par des besoins fictifs, Ramuz pense que l'homme finira par s'égarer. 

Les villes sont tellement grandes que les hommes qui y vivent ont perdus jusqu’aux souvenirs de leurs nécessités premières. Ils ne se demandent plus ce qui arriverait s’il ne pleuvait pas pendant cinq mois sur la terre, ou si des gelées tardives y survenaient, s’il ne pleuvait plus ou s’il pleuvait trop, s’il faisait trop froid ou trop chaud, […] les menaces qui étaient suspendues sur les premiers hommes les sont encore et toujours sur les hommes d’aujourd’hui. Seulement ils n’y croient pas. Leurs machines les rassurent.[66]

 

Et il nous rappelle que négliger l'élémentaire - la terre, le ciel, l'eau, la nature - c'est ignorer la vie.  Car nous sommes plus dépendants de la nature que nous ne pouvons l'imaginer.

 

Et pourtant, il faut y revenir, s’il ne pleuvait pas pendant cinq mois, s’il pleuvait trop pendant cinq mois ? S’il gelait seulement hors saison dans les régions de la terre à blé ? Ou si pendant un mois ou deux seulement tous les paysans de la terre faisaient grève ? Cinquante jours, c’est bien le chiffre. La terre tout entière est un radeau de la Méduse avec cinquante jours de vivres.[67]

 

Nous avons donc plusieurs raisons de cultiver la biophilie et de promouvoir le respect de la nature. La littérature contribue énormément à ce propos. Les ouvrages de Ramuz sont un exemple parfait pour divulguer cet amour pour la nature. Nous vivons à une époque où nous mettons plus que jamais l'accent sur la santé. Chaque jour, nous apprécions et valorisons davantage cette caractéristique inhérente à l'être humain. Il faut faire l'expérience de se promener dans une forêt ou une montagne pour se sentir bien et observer comme le corps et l’esprit se dynamisent, s’équilibrent. Voulons-nous une civilisation qui évolue vers une relation plus intime avec le monde naturel ou une civilisation qui continue à se séparer et à s'isoler de la nature dont elle fait partie ? Voici la question.


· Colloque International Ramuz et la Nature : perceptions et interdépendances. Fondation C.F. Ramuz. Les Arsenaux. Sion, 22 y 23 de septiembre 2021.



[1] Eugène Rambert (1830-1876). Historien suisse.

[2] Eugène Rambert (1889) Études de Littérature alpestre, Librairie F. Rouge, Lausanne, p. 128.

[3] Ibid., p. 119.

[4] C. F. Ramuz, poètes d’aujourd’hui, de Guilbert Guisan, Ed. Pierre Seghers, Paris, 1966, p. 16.

[5] Notes et articles, “La beauté de la montagne”, p. 355. T. XII.

[6] Lettre à Henri-Louis Mermod, p. 290. T. XII.

[7] Journal, p. 10 T. XX.

[8] Borgeaud, G. (1955) Introduction à C.F. Ramuz… op, cit., p. 175.

[9] La Grande peur dans la montagne, p. 370 T. XIV.

[10] Dentan, M. Notice à : C.F. Ramuz, Passage du poète, op. Cit., p. 175.

[11] Zermatten (1947) “L’homme et la montagne” in Formes et Couleurs nº 2, Revue internationale des arts, du gout et des idées, Lausanne.

[12] Si le soleil ne revenait pas, p. 48 T. XVI

[13] La grande peur dans la montagne, p. 185 T. XI.

[14] Derborence, p. 228 T. XIV.

[15] La grande peur dans la montagne, p. 80 T. XI.

[16] Ibid., p. 121.

[17] Le Village dans la montagne, p. 10 T. III.

[18] Farinet ou la fausse monnaie, p. 63. T. XIV.

[19] La Grande peur dans la montagne, p. 121 T. XI.

[20] Derborence, p. 285 T. XIV.

[21] Ibid. p. 287

[22] La Grande peur dans la montagne, p. 168 T. XI.

[23] Ibid, pp. 171-172

[24] La Séparation des races, p. 146 T. XI.

[25] La Grande peur dans la montagne, p. 15-16 T. XI.

[26] Ibid., p. 70.

[27] Ibid., p. 218.

[28] Derborence, pp. 209-210

[30] Derborence, p. 209

[31] La Grande peur dans la montagne, pp. 46-47 T. XI

[32] Derborence, p. 209.

[33] Journal, p. 67 T. XX

[34] Le village dans la montagne, p. 50 T.III.

[35] Derborence, p. 334 T. XIV.

[36] Derborence, p. 334 T. XIV.

[37] Derborence, p. 335

[38] Derborence, p. 323

[39] Derborence, p. 210

[40]  Derborence, pp. 302-303

[41]  Derborence, p. 254

[42]  Derborence, p. 219

[43]  Derborence, p. 258

[44]  Derborence, p. 221

[45]  Derborence, p. 212

[46]  Derborence, p. 235

[47]  C.F. Ramuz, « Pays du Rhône » in Œuvres Complètes, 1952, Ed. Rencontre, Lausanne, T. XV.

[48] Chant de notre Rhône, p. 9 T. X.

[49] Chant de notre Rhône, p. 20. T. X.

[50] Chant de notre Rhône, p. 20

[51] Derborence, p. 357 T. XIV.

[52] Derborence, p. 235-236 T. XIV.

[53] Chant de notre Rhône, p. 22-23.

[54] Derborence, p. 296 T. XIV.

[55] Derborence, p. 310.

[56] Chant de notre Rhône, p. 12 T. X.

[57] Notes et articles, “Les grandes chaleurs”, p. 320. T. XII.

[58] Cirlot, Juan Eduardo, Diccionario de los Símbolos, Siruela, Madrid, 1997.

[59] Journal, p. 91. T. XX

[60] Questions, p. 125. T. XV

[61] Questions, p. 64 T. IV

[62] Aimé Pache, p. 64 T. IV

[63] Questions, p. 126 T. XV.

[64] C.F. Ramuz (1994) Ce que je vois par la fenêtre, Promotion Pully Paudex, Office du tourisme.

[65] Questions, p. 144 T. XV.

[66] Questions, pp. 143-144 T. XV.

[67] Questions, p. 145 T. XV.

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